Les PFAS dans le droit wallon et bruxellois
Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), surnommées "polluants éternels" en raison de leur persistance dans l’environnement et leur très faible dégradabilité, ont fait l'objet de plusieurs scandales majeurs en Europe ces dernières années, ayant révélé des concentrations de PFAS dans les sols et les eaux qui n’ont pas épargné la Belgique.
Ces révélations ont catalysé l'action européenne. La directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine impose désormais des valeurs paramétriques encadrant strictement la présence de PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine que les Etats membres devront transposer pour le 12 janvier 2026 au plus tard. En janvier 2023, un groupe de cinq États membres a soumis à l’ECHA une proposition de restriction quasi-totale de la production et de l'utilisation des PFAS dans le cadre du règlement REACH, législation de l'union européenne sur les produits chimiques. Parallèlement, en septembre 2025, le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire visant à mettre à jour les substances prioritaires1 dans les eaux de surface et les eaux souterraines, proposant ainsi de réviser la directive-cadre sur l'eau pour y intégrer un groupe de PFAS menaçant ces eaux.
Ces diverses initiatives européennes visent à prévenir de nouvelles contaminations industrielles et à protéger la santé publique face aux polluants éternels, dans les eaux notamment. A ce stade, aucune norme européenne harmonisée et obligatoire n’a encore été définie concernant la prévention de la pollution des sols aux PFAS. Toutefois, le 23 octobre dernier, le Parlement européen a adopté en session plénière la proposition de directive sur la surveillance et la résilience des sols. L'objectif général est d'avoir des sols européens sains d'ici 2050, conformément à l'ambition « zéro pollution » de l'UE. Il devrait également prévoir un cadre européen plus cohérent et harmonisé pour la surveillance des sols. Dans la mesure où, à compter de l’entrée en vigueur de la directive, les états membres disposeront d'un délai de trois ans pour s'y conformer, nul doute que cette initiative aura également des incidences sur la gestion d’éventuelles pollutions des sols aux PFAS.
Retour spécifique sur les législations wallonne et bruxelloise
Région wallonne
Concernant la gestion des sols, le décret du 1er mars 2018 relatif à la gestion et à l'assainissement des sols, ainsi que ses arrêtés d'exécution, constituent le cadre règlementaire wallon relatif à la gestion des sols pollués.
Contrairement à certains polluants classiques, les PFAS n'ont, pendant longtemps, pas fait l'objet de la moindre préoccupation par le législateur wallon quant à l’état des sols. Bien qu’aucune norme européenne ne soit à ce stade applicable concernant la prévention de la pollution des sols aux PFAS et que la Région wallonne n’ait pas non plus adopté de norme spécifique pour limiter les concentrations de PFAS dans les sols wallons, des lignes directrices relatives à la considération d’une série de PFAS dans les études menées conformément au décret du 1er mars 2018 susvisé existent2 .
Ces lignes directrices indiquent, entre autres, (i) que lorsqu’une étude d’orientation est nécessaire, une analyse détaillée de différents critères relatifs aux PFAS doit être réalisée. Si cette analyse ne démontre pas l’absence de risques liés aux PFAS pour chacun de ces critères, des analyses du sol et/ou de l’eau souterraine sont requises ; (ii) les orientations à considérer dans le cadre d’une étude d’orientation et (iii) les techniques actuellement utilisées lors de projets d’assainissement du sol, de l’eau souterraine et de l’eau de surface présentant des PFAS.
Compte tenu de ces lignes directrices, il est recommandé aux entreprises manipulant des PFAS ou susceptibles d'en rejeter d’en tenir compte notamment en vue de la réalisation d’une étude d’orientation lors de la cessation d'activités à risque par exemple, et de considérer les directives et techniques qu’elles prévoient lors de la réalisation d’une étude de caractérisation et d’un projet d’assainissement, le cas échéant.
Concernant la gestion de l’eau, le décret du 20 avril 2023 modifiant le Livre II du Code de l’Environnement contenant le Code de l’Eau, ainsi que les arrêtés wallons du 1er juin 2023 et du 20 février 2025 modifiant diverses dispositions relatives à la qualité de l'eau destinée à la consommation humaine, transposent la directive européenne 2020/2184 du 16 décembre 2020 du Parlement européen et du Conseil relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Le Code de l’Eau a été révisé afin d’y intégrer la limite de qualité applicable aux PFAS à compter du 20 février 2025. Cette nouveauté doit dès lors être prise en compte par les fournisseurs d’eau.
Région de Bruxelles-Capitale
Concernant la gestion des sols, l'ordonnance du 5 mars 2009 relative à la gestion et à l'assainissement des sols pollués, modifiée par l’ordonnance du 23 juin 2017, ainsi que ses arrêtés d’exécution, constituent le cadre règlementaire bruxellois relatif à la gestion des sols pollués.
Bien que la Région de Bruxelles-Capitale n’ait pas encore adopté de norme spécifique visant à limiter les concentrations de PFAS dans les sols bruxellois, un code de bonnes pratiques destiné aux experts en pollution du sol a été élaboré par Bruxelles Environnement en application de l’ordonnance du 5 mars 2009 susvisée, en vue de l’étude et du traitement des PFAS dans le sol et l’eau souterraine3. En vigueur depuis le 24 janvier 2022, ce code, appelé à évoluer au fil des nouvelles connaissances, précise les modalités pratiques d’investigation des PFAS devant être prises en compte lors des études de sol et lors de la gestion des pollutions identifiées. Il indique notamment (i) les critères devant être pris en considération par l’expert en pollution du sol lorsqu’il juge de la pertinence d’investiguer les PFAS dans les reconnaissances de l’état du sol ainsi que les prescriptions utiles à l’analyse des PFAS suspectés lors de la réalisation de cette reconnaissance de l’état du sol, ainsi que (ii) l’approche à adopter lors d’une étude détaillée et les techniques de traitement à envisager dans le cas d’une pollution.
Compte tenu de ce code de bonnes pratiques, lors de transferts de propriété de terrains à risque, les entreprises manipulant des PFAS ou susceptibles d'en rejeter doivent réaliser une reconnaissance de l’état du sol, laquelle devrait inclure l'analyse des PFAS pour les activités industrielles identifiées comme à risque. Ce code fournit également, lors d’une pollution avérée, les directives et techniques à suivre en vue d’une étude de risque et d’un projet d'assainissement.
Enfin, Bruxelles Environnement met à disposition une cartographie digitale indicative des sites pollués ou susceptibles d’être pollués aux PFAS4.
Concernant la gestion de l’eau, l'ordonnance du 1er février 2024 portant modification de l’ordonnance du 20 octobre 2006 établissant un cadre pour la politique de l’eau en vue de la transposition de la directive (UE) 2020/2184 et l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 22 février 2024 relatif à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine transposent la directive européenne 2020/2184 du 16 décembre 2020 du Parlement européen et du Conseil relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. L’article 18 de cet arrêté prévoit qu’au plus tard le 12 janvier 2026, les eaux destinées à la consommation humaine devront respecter certaines valeurs paramétriques pour le total des PFAS notamment. Cette nouveauté devra être prise en compte par les fournisseurs d’eau.
Points d’attention
Les développements qui précèdent permettent d’identifier, dans les grandes lignes, les nouveautés récentes relatives à l’enjeu des PFAS dans la gestion des sols et de l’eau. Ces évolutions reflètent la volonté de l'Union européenne de réguler davantage la dispersion de composants chimiques dans l’environnement. Ces nouveautés, qui prennent la forme de lignes directrices et règles contraignantes, doivent être intégrées dans les réglementations régionales relatives à la gestion des sols et de l’eau. Néanmoins, elles constituent un enjeu et un coût devant être considérés par les entreprises, sites industriels et fournisseurs d’eau, notamment dans le cadre des obligations d’étude et d’assainissement des sols et de l’eau pouvant notamment s’imposer dans le contexte immobilier transactionnel. Ces nouveautés peuvent également susciter des questions dans le contexte judiciaire, où la responsabilité de divers acteurs peut se voir engagée.
Face à l'évolution du cadre normatif, notre cabinet, fort de son expertise spécialisée en droit de l'environnement et de la durabilité, se tient à votre disposition pour vous accompagner dans cette période de nouveautés et vous conseiller sur les implications de ces évolutions législatives.
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Polluants considérés comme particulièrement dangereux pour les écosystèmes aquatiques et/ou la santé humaine, et pour lesquels l’Union européenne impose notamment des normes de qualité environnementale dans les eaux de surface, ainsi qu’une obligation de réduire leurs émissions, rejets et pertes, voire de les éliminer.
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