CSRD & CSDDD : récentes évolutions européennes en matière de durabilité
L'UE a récemment renforcé son cadre juridique en matière de durabilité, imposant aux entreprises d’évaluer, prévenir et atténuer les impacts négatifs de leurs activités sur les droits humains et l’environnement.
Ce cadre s’articule autour de plusieurs instruments majeurs dont :
- le règlement taxonomie du 18 juin 2020 qui impose aux entreprises des « garanties minimales » pour que leurs activités soient considérées comme « durables » ;
- la directive du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) qui impose la publication d’informations sur les incidences négatives de leurs activités ;
- la directive du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD) qui instaure un devoir de vigilance raisonnable obligatoire tout au long de leurs chaînes d’activités, assorti d’un régime de responsabilité ;
- le règlement du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, qui vise à garantir que les produits entrant dans l'UE ne contribuent pas à la déforestation.
Retour spécifique sur les directives CSRD & CSDDD
CSRD
Adoptée le 14 décembre 2022 et entrée en vigueur le 5 janvier 2023, la CSRD devait être transposée pour le 6 juillet 2024. Elle s’applique de manière progressive aux grandes entreprises, aux PME cotées et aux entreprises mères de grands groupes. En Belgique, la loi du 2 décembre 2024 relative à la publication, par certaines sociétés et groupes, d’informations en matière de durabilité et à l’assurance de l’information en matière de durabilité a transposé cette directive dans notre système juridique, sans ajout significatif.
Cette directive établit un cadre destiné à standardiser les informations publiées en matière de durabilité. La CSRD impose ainsi aux entreprises visées de publier des informations conformément aux normes européennes obligatoires d’information en matière de durabilité (ESRS) adoptées par la Commission. Cette obligation de publication se fait au sein du rapport de gestion selon le principe de double matérialité : cette obligation vise tant l’information nécessaire à la compréhension des incidences de l’entreprise sur les questions de durabilité (importante pour ses « parties prenantes ») que l’information nécessaire pour comprendre comment les questions de durabilité influent sur l’évolution des affaires, les résultats et la situation de la société (importante pour les personnes souhaitant connaître la santé financière d’une entreprise). La CSRD enjoint également la Commission d’adopter des normes sectorielles, dont une première série pour juin 2026. Par ailleurs, la CSRD permet aux PME cotées de publier des informations selon des normes allégées et proportionnées.
Cette obligation concerne tant les activités propres de l’entreprise que sa chaîne de valeur. Les entreprises sont tenues de publier des informations sur leurs chaînes de valeur dans la mesure nécessaire à la compréhension de leurs incidences, risques et opportunités en matière de durabilité. Par ailleurs, la CSRD établit un « plafond relatif à la chaîne de valeur », les ESRS ne pouvant pas comporter d’obligations de publication d’informations qui obligeraient les entreprises à obtenir des PME de leur chaîne de valeur des informations allant au-delà des informations à publier conformément à la norme proportionnée applicable aux PME cotées.
CSDDD
Adoptée le 13 juin 2024 et entrée en vigueur le 25 juillet 2024, la CSDDD doit, quant à elle, être transposée pour le 26 juillet 2026. En principe, il est prévu qu’elle s’applique, également selon un programme échelonné, (i) à toute entreprise constituée en conformité avec la législation d’un État membre qui a employé plus de 1.000 salariés en moyenne et a réalisé un chiffre d’affaires net mondial de plus de 450.000.000 EUR au cours du dernier exercice, (ii) à la société mère ultime d’un groupe qui atteint de tels seuils et (iii) à toute entreprise (ou société qui est à la tête d’un groupe) qui a conclu un accord de franchise ou de licence avec des entreprises tierces indépendantes et qui perçoit des redevances d’au moins 22.500.000 EUR au cours du dernier exercice comptable et à condition que l’entreprise ait eu un chiffre d’affaires net de plus de 80.000.000 EUR au niveau mondial. Enfin, elle vise également toute entreprise constituée en conformité avec la législation d’un pays tiers et qui remplit les mêmes seuils de chiffre d’affaires (le nombre de salariés étant, dans ce dernier cas, indifférent).
Elle contient des règles concernant « le devoir de vigilance » des entreprises relatif aux droits de l’homme, aux droits sociaux fondamentaux des travailleurs et à l’environnement, la responsabilité qui résulte d’un manquement à ce devoir ainsi que l’obligation des entreprises d’adopter un « plan de transition pour l’atténuation du changement climatique » conforme à l’Accord de Paris. Substantiellement, elle consacre dans le chef des entreprises un devoir de vigilance quant aux incidences négatives sur les droits de l’homme et sur l’environnement.
Ce devoir de vigilance couvre les activités de l’entreprise, de ses filiales et de ses partenaires commerciaux directs et indirects tout au long de sa « chaîne d’activités ». Il s’exerce en deux phases : d’une part, cartographier ses propres activités, celles de ses filiales et, lorsqu’elles sont liées à sa chaîne d’activités, celles de ses partenaires commerciaux, afin de recenser les domaines généraux dans lesquels les incidences négatives sont les plus susceptibles de se produire et d’être les plus graves ; d’autre part, évaluer ces domaines recensés de manière approfondie.
Proposition de directive « Omnibus » du 26 février 2025
Á la suite du rapport Draghi publié en septembre 2024, le Conseil de l’Union européenne a exprimé, dans la « Déclaration de Budapest sur le nouveau pacte pour la compétitivité européenne », la volonté de simplifier et d’harmoniser diverses réglementations en matière de durabilité. Dans ce contexte, la Commission a publié le 26 février 2025 une proposition de directive dite « Omnibus I » visant à amender la CSRD et la CSDDD, l’objectif étant de « simplifier et rationaliser le cadre réglementaire en vue de réduire la charge découlant de la CSRD et de la CSDDD pesant sur les entreprises ».
CSRD
La récente proposition vise à « réduire la charge liée aux obligations de publication d’informations et à limiter l’effet de retombée de ces obligations sur les petites entreprises ». Parmi les modifications au système actuel qu’elle prévoit figurent, entre autres, (i) une réduction d’environ 80% du nombre d’entreprises soumises à des obligations de publication d’informations en matière de durabilité, excluant les grandes entreprises comptant jusqu’à 1.000 salariés et les PME cotées, (ii) une extension et un renforcement du « plafond de la chaîne de valeur » susvisé, qui protégerait toutes les entreprises comptant jusqu’à 1.000 salariés et pas seulement les PME comme c’est le cas actuellement, ainsi qu’(iii) une suppression des normes d’information sectorielles.
CSDDD
La proposition Omnibus I envisage notamment de (i) limiter l’obligation active des entreprises de procéder à une « évaluation approfondie » des incidences négatives uniquement à l’égard de leurs partenaires commerciaux « directs », (ii) limiter l’information qui peut être réclamée d’un sous-traitant qui occupe moins de 500 travailleurs aux informations qu’une PME publierait si elle choisissait volontairement de faire un rapport de durabilité, (iii) réduire la fréquence requise pour les exercices de suivi périodique, (iv) limiter la définition des parties prenantes aux personnes ou communautés qui pourraient être « directement » affectées par les produits, services ou opérations de la société, de ses filiales ou des entreprises dans sa chaîne d’activité, ainsi que par leurs représentants « légitimes » et (v) supprimer le régime européen harmonisé de responsabilité. La proposition suggère également de modifier les dates de mise en œuvre de la CSRD, prévoyant (i) de reporter de deux ans l’application des obligations de publication d’informations auxquelles les entreprises des deuxième et troisièmes phases d’application de la CSDDD sont soumises (soit à 2028 au lieu de 2026 pour la deuxième phase, et à 2029 au lieu de 2027 pour la troisième phase) ainsi que (ii) de reporter d’un an le délai de transposition de la CSDDD (soit au 26 juillet 2027) et de reporter l’application sa date d’entrée en application pour la premier groupe d’entreprises au 26 juillet 2028.
Points d’attention
Les développements qui précèdent permettent d’identifier, dans les grandes lignes, quelques changements – parfois substantiels – envisagés par la proposition de directive Omnibus I. Ces évolutions révèlent une marche arrière de l'Union européenne dans ses ambitions environnementales sous la pression de considérations économiques, ce qui génère malheureusement une instabilité législative importante et une insécurité juridique regrettable pour les entreprises qui avaient engagé des investissements considérables en matière de durabilité.
Face à cette complexité réglementaire croissante et à l'évolution imprévisible du cadre normatif, notre cabinet, fort de son expertise spécialisée en droit de l'environnement et de la durabilité, se tient à votre disposition pour vous accompagner dans cette période d'incertitude et vous conseiller sur les implications de ces évolutions législatives.
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