Un nouveau décret relatif à la gestion et à l'assainissement des sols en Wallonie.
Le 1er mars 2018, le Parlement wallon a adopté un nouveau décret relatif à la gestion et à l'assainissement des sols en Wallonie. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2019 et abrogera le décret du 5 décembre 2008. Cette réforme du décret précédent du 5 décembre 2008 poursuit plusieurs objectifs, notamment celui d'établir un nouvel équilibre entre la protection de l'environnement et le coût de cette dernière en vue de maintenir le tissu économique, d'attirer les investisseurs en Wallonie et d'assurer un assainissement effectif des sols wallons.
Le 1er mars 2018, le Parlement wallon a adopté un nouveau décret relatif à la gestion et à l'assainissement des sols en Wallonie. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2019.
Cette réforme poursuit plusieurs objectifs, notamment celui d'établir un nouvel équilibre entre la protection de l'environnement et le coût de cette dernière en vue de maintenir le tissu économique, d'attirer les investisseurs en Wallonie et d'assurer un assainissement effectif des sols wallons.
Les modifications introduites s'articulent autour de huit axes que nous proposons de passer en revue dans cet article.
Premier axe : une meilleure articulation entre les obligations, les titulaires potentiels et les dérogations
Les faits générateurs sont désormais distingués en fonction de l'obligation qu’ils génèrent : d’une part, l’obligation de mettre en œuvre une étude d'orientation (point de départ des différentes obligations du décret), et, d’autre part, les autres obligations du décret, c’est-à-dire celles de réaliser une étude de caractérisation, les actes et travaux d’assainissement, les mesures de suivi et les mesures de sécurité
Quatre situations sont génératrices de l’obligation de réaliser une étude d’orientation (articles 23 à 27) :
- Le premier fait générateur est relatif au permis d’urbanisme, au permis unique et au permis intégré lorsque le terrain est inscrit dans la banque de données de l’état des sols. A noter que tous les terrains ne sont pas visés, mais seuls les terrains pollués ou potentiellement pollués, renseignés comme tels dans la Banque de données de l’état des sols (BDES).
- Le deuxième fait générateur est celui relatif au permis d’environnement, permis unique et permis intégré délivrés pour une installation ou une activité présentant un risque pour le sol. Dans ce cas, une étude d’orientation devra être réalisée à la fin de l’activité.
- Le troisième fait générateur est celui relatif au dommage environnemental.
- Enfin, le quatrième fait générateur a trait à la possibilité dont dispose l’administration, comme aujourd’hui, d'imposer une étude d’orientation en cas d’indications sérieuses de pollution.
Contrairement à ce que prévoyait l’ancien décret du 5 décembre 2008 et c’est une modification importante, la vente d’un terrain ne constitue plus un fait générateur. En outre, la soumission volontaire a été clarifiée : il est désormais expressément prévu que l’acteur qui intervient de manière volontaire peut décider à tout moment de mettre fin à cette intervention (article 22).
Deuxième axe : la révision des objectifs d’assainissement afin de maîtriser les coûts et d’assurer une certaine proportionnalité.
Aujourd’hui, il est prévu qu’en cas de pollution nouvelle, l’assainissement doit restaurer le sol, pour les polluants qui dépassent les valeurs seuils, au niveau des valeurs de référence. Ces valeurs de référence correspondent aux concentrations en substances potentiellement polluantes attendues dans les sols wallons en l'absence d'activité humaine. L'objectif d'assainissement est désormais fixé à 80 % de la valeur seuil.
D’après le Gouvernement, cette réduction permettrait de rendre plus efficace l'assainissement des sols en Wallonie. En effet, la difficulté technique que représente un assainissement au niveau des valeurs de référence prévues sous le décret du 5 décembre 2008 et le coût de ces opérations d’assainissement bloquent bon nombre de situations. En outre, le nouveau niveau d'assainissement permettrait de conserver une marge de sécurité de 20% par rapport à un niveau de déclenchement des obligations d’assainissement. En effet, un terrain dont les concentrations en substances potentiellement polluantes se trouvent sous les valeurs seuils ne présente aucun risque pour la santé humaine, les eaux souterraines et les écosystèmes. Fixer l’objectif d’assainissement à 80% de ce seuil permet donc de se préserver une marge sécuritaire de 20%.
Ensuite, pour les pollutions historiques, l'objectif d'assainissement a également été allégé : le dépassement de la valeur seuil et la présence d’une menace grave entraine une obligation d’assainissement au minimum jusqu’à la suppression de la menace grave. Le décret du 5 décembre prévoyait un niveau d’assainissement qui devait « tendre vers les valeurs de référence pondérées par les concentrations de fond et supprimer au minimum l'existence d'une menace grave (…) ». De la même manière que pour les pollutions nouvelles, la référence aux valeurs de référence est supprimée.
Le nouveau décret ne fonctionne plus qu'à travers la notion de valeur seuil, les références aux valeurs de référence et valeurs d'intervention ayant été abandonnées. Cela rend l'ensemble du mécanisme plus lisible et compréhensible.
Troisième axe : la révision des normes.
Le nouveau décret opère une révision des valeurs (voy. annexe I du décret) pour ce qui concerne les usages de type récréatif ou commercial (le type IV) et industriel (le type V). En revanche, aucun changement n’a été apporté en ce qui concerne les trois premiers types d’usage (naturel, agricole et résidentiel).
Selon le gouvernement, cette modification devrait permettre une gestion plus pertinente et proportionnée des dossiers en limitant le déclenchement des obligations. En effet, il semblerait, à l'analyse de la pratique, que dans un tiers des situations rencontrées pour les usages de types IV et V, le décret impose de mener les investigations – les études d'orientation et de caractérisation –, pour conclure qu'il ne faut pas assainir et que la situation peut être laissée en l'état. En d’autres termes, dans un tiers des cas, le décret est déclenché de manière trop préventive.
Quatrième axe : la sécurisation de la démarcation entre les législations déchets et sols.
L’objectif du nouveau décret est d’assurer une meilleure articulation des polices administratives du sol, d'une part, et des déchets, d'autre part. En effet, l’article 1er, § 2, du nouveau décret du 1er mars 2018 précise que sont exclus de son champ d’application, les « 1° déchets déposés sur le sol ou incorporés au sol dont les éléments peuvent être, lors d’un contrôle visuel, distingués du sol » et les « 2° les déchets déposés sur le sol ou incorporés au sol qui ne répondent pas au 1° pour autant qu’ils aient été recyclés, valorisés ou éliminés conformément aux dispositions légales et réglementaires relatives aux déchets ou gérés conformément aux dispositions légales et réglementaires relatives aux déchets de l’industrie extractive ». Cette disposition se fonde donc sur le critère du caractère « détachable » du déchet considéré par rapport au sol.
En parallèle, le décret du 1er mars 2018 insère un 6° à l’article 4 du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets afin d’exclure du champ d’application de ce dernier décret « les sols pollués in situ, y compris les sols pollués non excavés ».
Cinquième axe : les bases d’une gestion différenciée des terres.
Auparavant, la gestion des terres était rattachée à la législation sur les déchets, ce qui posait bon nombre de difficultés. Le gouvernement explique, en effet, que la valorisation des terres sous le décret relatif aux déchets et avec des normes différentes comparativement à la gestion des sols conduit à des incohérences environnementales et administratives et crée dans certains cas des insécurités juridiques importantes.
Une disposition a donc été insérée par le nouveau décret pour intégrer les principes de gestion des terres dans le champ d’application du décret relatif à la gestion et à l'assainissement des sols. L’idée est d’organiser une gestion différenciée des terres sur base de la connaissance de l’origine et des caractéristiques de celles-ci vers les milieux récepteurs les plus aptes à les recevoir et ce, de manière conforme aux principes et règles essentiels de préservation des sols contenus dans ce décret. Pour ce faire, un contrôle qualité des terres et une traçabilité ont été mis en place.
Sixième axe : la simplification majeure des procédures.
Le nouveau décret innove d’abord en prévoyant la possibilité de conclure une convention de gestion des sols avec l’administration dans certaines circonstances particulières (lorsque la soumission volontaire aux dispositions du décret se rapporte à plusieurs terrains, lorsque les obligations du titulaire portent sur plusieurs terrains, en cas de pluralité de titulaires sur un terrain pollué, etc). Il s’agit d’un outil de gestion économique et de planification des travaux. L’objectif est de permettre d’organiser la gestion des sols pollués dans l’espace et dans le temps en fonction des urgences d’intervention, des moyens financiers disponibles, de la planification du redéploiement d’un terrain ou de la vie d’une entreprise. Les échéances d'exécution des obligations prévues dans la convention de gestion des sols se substituent alors aux échéances prévues par le décret.
Ensuite, les titulaires des obligations auront désormais la possibilité de réaliser une procédure accélérée d’assainissement dans certaines conditions particulières.
Enfin, une nouvelle procédure pour les situations d’urgence est insérée, à savoir les mesures de gestion immédiate.
Septième axe : la mise en œuvre simplifiée de la banque de données de l'état des sols.
Le processus de validation du contenu de la banque de données prévu dans le décret du 5 décembre 2008 étant particulièrement contraignant et long, la banque de données n'a jamais pu être mise en œuvre.
Désormais, les communes et les personnes concernées seront informées de l'inscription effective d'une donnée les concernant afin qu'elles puissent bénéficier d'une procédure de rectification éventuelle de ces informations. En outre, l'accès à l'entièreté de la banque de données de l'état des sols a été ouvert à toute personne moyennant identification préalable.
Toute personne pourra prendre connaissance des données connues de l'administration et, le cas échéant, solliciter, de manière automatique et dématérialisée, un extrait conforme de la banque de données de l'état des sols. Ce document administratif permet d'attester, à un moment donné, d'une situation bien précise, à savoir l'état des connaissances sur le terrain visé.
Huitième axe : la confirmation de la mission d'intérêt public opérée par la SPAQuE en matière de gestion des sols.
Le nouveau décret prévoit un statut et des missions particulières pour la SPAQuE en vue de lui donner une existence juridique spécifique en dehors de la législation relative aux déchets. Ainsi, le Gouvernement disposera, en matière de gestion des sols, d'une habilitation spécifique pour charger la SPAQuE d'une mission d'investigation ou d'assainissement ou de surveillance et de gestion pour des motifs d'utilité publique (en dehors des situations d'urgence visées).
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Le nouveau décret entre en vigueur le 1er janvier 2019 et abrogera le décret du 5 décembre 2008. Cependant, les nouveaux objectifs d’assainissement pour les pollutions nouvelles (80 % des valeurs seuil) peuvent être pris en compte dès le 1er avril 2018.
Cet article a été co-rédigé par Raphaëlle Godts en tant qu'associée chez Stibbe.