Qu'est-ce qu'un « plan ou programme » au sens de la directive ESIE? Le fondement juridique d’une autorisation
Dans le Jaarboek 2017 TeRecht édité par Larcier, Guan Schaiko et Stefanie François approfondissent la notion de « plans et programmes » au sens de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement (ci-après « directive ESIE »).
[version néerlandaise et anglaise]
Ils étudient systématiquement les travaux préparatoires liés à la directive ESIE pour soumettre le jugement de la Cour de justice à une analyse critique. Leur étude révèle notamment que la notion de « plan ou programme » au sens de la directive ESIE doit être compris comme le « fondement juridique » d’une autorisation.
Incertitude juridique sur la notion de « plans et programmes »
Comme Olivier di Giacomo et Renaud Smal l'ont démontré dans leurs précédents blogs, il existe une grande incertitude juridique sur la notion de plans et programmes au sens de la directive ESIE.
Dans le Jaarboek 2017 TeRecht édité par Larcier, Guan Schaiko et Stefanie François ont soumis la notion à une analyse approfondie. Ils ont systématiquement étudié les travaux préparatoires liés à la directive ESIE. Les résultats de leur étude révèlent des points importants.
Objectif de la directive
Selon les travaux préparatoires, l'application de la directive ESIE visait deux objectifs : (i) intégrer les incidences sur l'environnement à un stade précoce du processus décisionnel en ce qui concerne l'attribution d’une autorisation pour un projet et (ii) garantir une plus grande certitude juridique aux initiateurs du projet.
Résultats de l'étude
L'incertitude juridique liée au concept de « plans et programmes » ne provient pas seulement de la rédaction floue de la directive ESIE du législateur européen. L'explication parfois incohérente de la Cour de justice est aussi responsable. De plus, la Cour s'oppose parfois aux termes de la directive ESIE et à la volonté du législateur européen :
- Selon la Cour, les plans et programmes facultatifs relèvent aussi de la directive ESIE, alors que l'article 2, a) précise que la directive vise les plans et programmes « exigés » (NL : « voorgeschreven », EN : « required ») par les dispositions légales ou administratives. Les travaux préparatoires confirment aussi ce point. Par ailleurs, le possible caractère obligatoire de l’acte litigieux doit être examiné par rapport à l'objectif de l'acte, notamment permettre (et pas seulement faciliter) l’autorisation d’un projet. La condition de l'article 2, a) de la directive ESIE porte donc sur la question si l’acte litigieux de l'autorité publique est exigé pour pouvoir autoriser un projet ensuite.
- Le principal critère retenu par la Cour pour qualifier un acte de plan ou de programme au sens de la directive ESIE est celui de savoir si l’acte est susceptible d’avoir des incidences notables sur l'environnement. Cette évolution dans le jugement porte préjudice à la systématique visée aux articles 2 et 3 de la directive ESIE.
- Seules les actes répondant aux conditions formelles spécifiques fixées à l'article 2, a) de la directive ESIE sont qualifiés de plan ou programme au sens de cette directive. Malgré plusieurs modifications apportées à la formulation exacte de ces conditions formelles au cours du processus parlementaire, la portée est restée inchangée : il doit s'agir des actes (selon les termes de la directive : « plans et programmes ») qui :
- suivent une procédure formelle (selon les termes de la directive « élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d'une procédure législative ») ;
- sont imposés (selon les termes de la directive «exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ») ;
- dans le but de créer un cadre pour les futures autorisations de projet (selon les termes de la directive : « qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l'avenir « ). Cependant, cette mesure n'a pas été retenue dans la version finale de la directive dans la « définition » de l'article 2, a) de la directive ESIE, mais a été ajoutée à l'article 3, alinéas 2, a) et 4 portant sur le « champ d’application ».
Ces conditions formelles révèlent clairement l'objectif du législateur européen par la rédaction de la directive : la notion de « plan ou programme » renvoie au « fondement juridique » d’une autorisation, c.-à-d. les dispositions du droit interne qui habilitent l’autorité délivrante à énoncer une autorisation pour la mise en œuvre d’un projet. Ou, pour l'expliquer dans les termes du législateur européen : « plans et programmes formels, c'est-à-dire adoptés par une autorité compétente ou adoptés par un acte législatif, afin d'établir le cadre pour les décisions ultérieures d'autorisation.» Il ne s'agit pas de chaque cadre légal ou réglementaire duquel l'autorité délivrante doit tenir compte, mais des actes qui sont exigés afin d’établir le cadre pour d’autorisations, c.-à-d. le fondement juridique d’une telle autorisation.
Conclusion
D'après l'étude, la Cour de justice méconnaît l'objectif du législateur européen dans son jugement. Nous espérons que l'étude conduira les praticiens, les universitaires et la Cour à accorder plus d'importance à l'objectif du législateur européen et aux termes formels de la directive ESIE qu'à la pure interprétation téléologique de la directive ESIE.