Publicité comparative des prix : prétendre faussement d’avoir le prix le plus bas est une pratique commerciale déloyale, mais être un concurrent et parler négativement de cette pratique à des tiers l'est aussi

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Le Président du tribunal de commerce d'Anvers(1) a ordonné la cessation d'une publicité comparative illicite suggérant que l'entreprise offre un prix globalement plus avantageux, tant par rapport au marché dans son ensemble que par rapport à un concurrent spécifique. La critique par le concurrent de cette pratique publicitaire à l'égard d'un fournisseur commun est considérée comme du badinage et a également dû être abandonnée.

Deux revendeurs de carreaux de sol et de mur concurrents, I. et V. ont demandé une injonction l'un contre l'autre pour des pratiques commerciales prétendument déloyales. L'accusation de I. contre V. consistait principalement du fait que V. avait fait de la publicité comparative illicite. A l'inverse, V. a accusé I., entre autres, de badinage à l'égard d'un fournisseur commun.

Selon I., V. a faussement prétendu, dans une publicité sur son site Internet, qu’elle offre le prix le plus bas, tant par rapport au marché dans son ensemble que par rapport à I. en particulier. En faisant cela, elle a ciblé des phrases de la publicité telles que : « nous pouvons garantir les prix les plus bas » et « nulle part ailleurs à un meilleur PRIX ! Nous le garantissons » et « lá garantie du prix le plus bas à tout moment ».

Le Président est d'accord avec I. sur ces points. Il s'est référé à l'article VI.17, §1, 1°, 3° et 7° du Code de droit économique, qui dispose que la publicité comparative, en ce qui concerne la comparaison, est autorisée à condition qu'elle (1) ne soit pas trompeuse, et (2) compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services, dont le prix peut faire partie.

Selon le président, les parties de la phrase susmentionnées ont effectivement donné au consommateur l'impression (fausse) que V. est généralement, absolument et systématiquement moins cher que n'importe qui d'autre sur le marché, y compris I. L'utilisation de l'orthographe « » indique qu'il ne peut y avoir qu'un seul prix le plus bas et que celui-ci ne peut être trouvé qu'avec V. Selon le président, la publicité comparative de V. a ainsi donné à tort l'impression qu'elle offrait un prix globalement plus avantageux, tant par rapport au marché dans son ensemble que par rapport à I., ce qui constitue une pratique de marché déloyale.

Implicitement, on peut déduire de l'arrêt que I. était effectivement mentionné et/ou identifiable dans la publicité de V. Si tel n'est pas le cas et que, par conséquent, aucun concurrent n'était identifiable, l'allégation « lé prix le plus bas » pourrait éventuellement être qualifiée de publicité hyperbolique, ce qui est traditionnellement admis par les tribunaux. Il suffit de penser à des affirmations telles que « aucune poudre au monde ne lave mieux » ou « la meilleure ... », « la plus grande gamme », etc. Après tout, les consommateurs savent qu'ils ne doivent pas comprendre une telle publicité hyperbolique au pied de la lettre et ne peuvent pas être induits en erreur à ce sujet.

Cependant, le Président n'est pas d'accord avec I. en ce qui concerne la phrase « Ainsi, dans chaque catégorie (carreaux céramiques, parquet céramique, stratifié, parquet, ...) nous offrons des sols au PRIX LE PLUS BAS du marché ». En effet, dans chacune de ces catégories de produits, V. propose un plancher qui est le moins cher du marché. Cela ne signifie pas que tous les planchers de chacune des catégories seraient donc les moins chers. Cette partie de la publicité n'est donc pas trompeuse.

En outre, I. a reproché à V. de faire de la publicité comparative trompeuse, et donc illicite, avec les déclarations « la meilleure qualité » et « une gamme de carreaux de haute qualité ». Cependant, selon le Président, il ne s'agit pas de publicité comparative. V. n'a prétendu nulle part que ses produits seraient d'une meilleure qualité que ceux de la concurrence, ou que la concurrence - comme I. - ne proposerait pas de tuiles de qualité égale.

V. avait à son tour une demande reconventionnelle. Un fournisseur étranger qui approvisionnait à la fois I. et V. avait signalé qu'il ne travaillerait qu'avec I. en raison des méthodes publicitaires « non éthiques » de V. V. a accusé I. de l'avoir dénigrée vis-à-vis ce fournisseur.

« Le badinage », selon le Président, est une attaque particulièrement préjudiciable à une entreprise, qui porte atteinte à sa réputation ou à celle de ses produits, services ou activités, par un acte de diffamation ou de calomnie, ou même par une simple critique permettant d'identifier l'entreprise, et constitue à ce titre une pratique commerciale déloyale.

Dans ce cas, le Président a jugé qu'il y avait bien du badinage, puisque la communication du fournisseur ne pouvait être que la conséquence du badinage de I. En effet, on ne voit pas comment ce fournisseur étranger aurait pu être au courant d'un éventuel problème lié à la publicité de V. en Belgique, et ce, par coïncidence, au moment où le litige entre les deux sociétés est apparu.

Conclusion : ceux qui sont effectivement victimes d'une pratique commerciale déloyale doivent se méfier de leurs déclarations à ce sujet à des tiers, au risque d'être eux-mêmes condamnés pour badinage.

 

Note de bas de page:

1 Vz. Ondernemingsrechtbank Antwerpen 12 mai 2021, A/20/5481, non publié.