Violation d’obligation contractuelle et tierce complicité – le juge des cessations peut établir l’existence d’une rupture de contrat

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La Cour de Cassation a confirmé que même si les infractions liées aux pratiques de marché loyales relèvent de la responsabilité extracontractuelle, le juge des cessations, afin d’établir une éventuelle tierce complicité de la violation contractuelle, est compétent pour se prononcer sur l’existence d’une rupture de contrat à laquelle la société tierce a participé.

Le 28 mai 2020, la Cour de Cassation s’est prononcée afin de savoir si le juge des cessations est compétent pour connaitre d’une action en cessation de pratiques de marché déloyales au sens de l’article VI.104 Code de Droit Economique (« CDE »), consistant en une tierce complicité de violation d’obligation contractuelle, lorsque la rupture de contrat est contestée et que le juge des cessations serait ainsi contraint, lors de la détermination de la pratique commerciale déloyale tierce, de se prononcer sur l’existence d’une rupture contractuelle avec le débiteur du demandeur.1

Le pourvoi en cassation était dirigé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 18 octobre 2017. Le litige portait sur une action en cessation introduite par un concessionnaire, qui, sur base d’un accord de distribution exclusive, disposait d’un droit exclusif de distribution des produits pneumatiques Tip Top en Belgique et au Luxembourg, contre une entreprise tierce opérant parallèlement sur ces marchés. Le concessionnaire argumenta que le concédant a commis une violation du contrat en portant atteinte à l’obligation d’exclusivité et que la société tierce était complice de cette violation.

En vertu de l’article XVII.1 CDE, le juge des cessations est compétent pour constater l’existence et d’ordonner la cessation d’une infraction aux pratiques loyales du marché au sens de l’article VI.104 CDE, c’est-à-dire une faute non-contractuelle. En revanche, il ressort de la jurisprudence de la Cour de Cassation que le juge des cessations n’est pas compétent pour ordonner la cessation d’une faute contractuelle. Compte tenu de cette jurisprudence, la Cour d’appel a considéré qu’elle n’était pas compétente pour connaitre de l’action en cessation : « étant donné que le juge des cessations est incompétent pour statuer sur une faute contractuelle litigieuse (la violation de l’exclusivité) […], il est également incompétent pour statuer sur la faute extracontractuelle (infractions présumées des pratiques loyales du marché), […] qui est indissociable de la prétendue faute contractuelle. » (traduction libre)

La Cour de Cassation a cassé cet arrêt en considérant que « la collaboration d’une société tierce à une violation du contrat, nonobstant le fait qu’elle en avait ou aurait dû en avoir connaissance, constitue une faute extracontractuelle et une infraction aux pratiques loyales du marché en vertu de l’article VI. 104 CDE, dont la cessation peut être ordonnée. » La Cour poursuit que « afin d’évaluer l’existence d’une telle infraction aux pratiques loyales du marché, le juge des cessations peut établir l’existence d’une rupture de contrat, à laquelle la société tierce a illégalement participé » (traduction libre). Comme l’a également invoqué le ministère publique, statuer autrement constituerait un affaiblissement de la procédure en action de cessations dans le cadre d’une action contre tierce complicité de violation d’obligation contractuelle.

 

Note de bas de page

1 https://juportal.be/content/ECLI:BE:CASS:2020:CONC.20200528.1N.8/NL?HiLi=eNpLtDK2qs60MrAutjI0tVLKTSzKLikoSswuyczKTs1Tss60MoRK+ToGeYcEBDl6h3h6ebv6gaSMYFLoumoBplYbiA==