Adoption de mesures complémentaires de soutien pour les entreprises en difficulté ou en restructuration

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Si certains employeurs peuvent affronter la crise actuelle en mettant en œuvre un régime de chômage temporaire – consistant soit en une suspension complète du contrat de travail ou en une suspension partielle et partant à l’application d’une réduction du temps de travail – d’autres employeurs sont contraints de procéder à des licenciements.  Des mesures complémentaires de soutien ont été adoptées afin de compenser la diminution des activités par une réduction du temps de travail, permettant ainsi de faire baisser le coût du travail sans devoir procéder à des licenciements.

Ces mesures s’appliquent aux entreprises en difficulté ou en restructuration.  

L’entreprise est en difficulté si (i) elle enregistre pour les deux exercices précédant la demande une perte courante avant impôts, et si (ii) la perte du dernier exercice dépasse le montant des amortissements et réduction de valeur sur frais d’établissement, sur immobilisations incorporelles et corporelles.  

L’entreprise est en restructuration si le nombre de journées de chômage temporaire des ouvriers atteint au moins 20 p.c. des journées déclarées à l’ONSS pour les ouvriers pour l’année qui précède la demande, et si au moins 50 p.c. de l’effectif est occupé sous statut d’ouvrier. Est aussi en restructuration, l’entreprise qui procède de manière effective à un licenciement collectif et qui suit à cette fin la procédure spécifique d’information et de consultation.  Lorsque l’employeur occupe entre 20 et 100 travailleurs, le nombre de licenciements doit être au moins de 10 sur une période 60 jours.  Lorsque l’employeur occupe au moins 100 travailleurs, le licenciement doit concerner au moins 10 p.c. du personnel.  Pour le calcul des seuils, sont seulement pris en compte les travailleurs ayant au moins 2 dans d’ancienneté dans l’entreprise à la date d’annonce de l’intention de procéder à un licenciement collectif.  Sont assimilés à des licenciements le nombre d’équivalents à temps plein de baisse de volume de travail résultant des efforts de redistribution du travail.

Les mesures décrites ci-dessous ne s’appliquent qu’aux demandes de reconnaissance qui commencent au plus tôt le 1er mars 2020 et au plus tard le 31 décembre 2020.   

Réduction temporaire de la durée du travail 

L’employeur peut recourir à une mesure de réduction temporaire de la durée du travail, visant soit l’ensemble des travailleurs, soit une catégorie de travailleurs. 

Lorsque la durée du travail est réduite d’un quart ou d’un cinquième, une réduction forfaitaire des cotisations de sécurité sociale est accordée, à condition que la réduction de la durée du travail soit implémentée par le biais d’une convention collective de travail conclue au sein de l’entreprise (et suivant un canevas précis) ou par une modification du règlement de travail si l’employeur n’a pas de délégation syndicale. 

L’employeur a droit à cette réduction de cotisations sociales par trimestre et par travailleur à partir du trimestre d’introduction du régime d’adaptation temporaire de la durée du travail, jusqu’au trimestre pendant lequel l’adaptation se termine. Le montant forfaitaire dépend du pourcentage de l’adaptation de la durée du travail, et est plus élevé lorsque l’adaptation temporaire de la durée du travail est combinée avec l’instauration temporaire de la semaine de quatre jours dans l’entreprise (sauf pour les travailleurs à temps partiel, pour lesquels la réduction n’est pas majorée en cas d’introduction de la semaine de 4 jours). Ces réductions sont calculées comme suit : 

  • 600 EUR par travailleur par trimestre en cas de réduction de la durée du travail d’1/5e (ou 1.000 EUR en cas d’instauration de la semaine de 4 jours)
  • 750 EUR en cas de réduction de la durée du travail d’un quart (ou 1.150 EUR en cas d’instauration de la semaine de 4 jours)

Remarque : par l’« introduction d’une semaine de 4 jours », on entend le régime dans lequel la durée hebdomadaire de travail est répartie sur quatre jours, ou sur cinq jours de travail comprenant trois jours de travail complet et deux demi-journées. 

En outre, la convention collective de travail ou le règlement de travail doit prévoir une compensation salariale au profit de tous les travailleurs dont la durée de travail est diminuée. Cette compensation salariale s’élève au moins à 75% du montant de la réduction forfaitaire, mais ne peut avoir pour conséquence que le salaire brut du travailleur soit plus élevé que le salaire brut auquel il avait droit avant l’adaptation temporaire de la durée du travail. La compensation salariale est considérée comme une rémunération sur laquelle des cotisations de sécurité sociale sont calculées. 

La réduction temporaire de la durée du travail peut être appliquée pendant une année maximum, et les dates de début et de fin de la période de réduction doivent être comprises dans la période de reconnaissance en tant qu’entreprise en restructuration ou en difficulté. 

En cas de licenciement pendant la période de réduction du temps de travail, l’indemnité due sera calculée comme si la durée du travail n’avait pas été adaptée.

Crédit-temps Corona

La réduction du temps de travail peut aussi être individuelle dans les entreprises reconnues comme étant en difficulté ou en restructuration. Elle prend la forme d’un crédit-temps spécifique.

Ainsi, l’employeur peut proposer à tout travailleur occupé à temps plein de réduire ses prestations de travail d’1/5e ou d’un mi-temps pour une période d’un à 6 mois maximum. Il peut être renouvelé, soit à l’issue de la période précédente, soit plus tard, sans toutefois pouvoir excéder la durée maximale de 6 mois. Cette période d’un à six mois doit être entièrement comprise dans la période pendant laquelle l’employeur est reconnu comme entreprise en restructuration ou en difficulté. 

Un accord doit être conclu par écrit entre le travailleur et l’employeur reprenant le régime de travail applicable.  

Le travailleur a droit à une allocation crédit-temps dont le montant est identique à celui octroyé dans le cadre du système « normal » de crédit-temps avec allocation.  S’agissant d’un crédit-temps circonstanciel très spécifique, la durée du crédit-temps Corona n’est pas prise en compte pour le calcul de la durée maximale de prise de crédit-temps. 

Emplois de fin de carrière

Dans les entreprises reconnues comme en difficulté ou en restructuration, les travailleurs âgés d’au moins 55 ans peuvent réduire leurs prestations de travail d’1/5e ou à mi-temps pour une durée indéterminée, à certaines conditions : le travailleur doit avoir une carrière professionnelle de 25 ans ; l’emploi de fin de carrière doit commencer pendant la période de reconnaissance comme entreprise en difficulté ou en restructuration (qui commence entre le 1er mars 2020 et le 31 décembre 2020).

L’emploi de fin de carrière peut être pris en périodes de minimum un mois (les minimas étant normalement de trois mois pour un emploi de fin de carrière à mi-temps et de 6 mois pour un emploi de fin de carrière d’1/5e). 

Le travailleur a droit aux allocations d’interruption alors que ce droit n’est normalement accessible qu’aux travailleurs âgés de 55 ans et plus.

En conclusion, plusieurs formules de réduction du temps de travail sont mises sur la table comme alternative à des licenciements, et feront l’objet des discussions entre les partenaires sociaux dans le cadre de l’information et la consultation en cas de licenciement collectif, voire dans les entreprises en difficulté.